mardi 4 juillet 2017

HAITI, DE CARAVANE EN CARAVANE



La caravane Moise-Lafontant, après son parcours dans l’Artibonite, dans le but de «mettre en commun le soleil, la terre, l’eau et le matériel humain», met un terme à son séjour dans ce Département, réputé pour sa vocation agricole. Elle met maintenant le cap sur le Grand- Sud, réunissant le Sud, le Sud-est, les Nippes et la Grand ‘Anse, non moins caractérisés par la production agricole, mais malheureusement démembrés par l’ouragan dévastateur Matthew d’octobre 2016.

En toute logique, le déplacement de la foire agro-artisanale annuelle, de Port-au-Prince à Lagrange, localité de la cinquième section communale de Bocozelle, Bas-Artibonite, semblait répondre à la question de décentralisation des événements nationaux entreprise par le gouvernement précédent, ainsi qu’à celle du renforcement de l’agriculture, annoncée en grande pompe par l’actuel chef de l’État.

Cependant, dans la situation actuelle de La Grand'Anse, outre la détérioration prématurée de la nouvelle route nationale conduisant à Jérémie, la caravane pourra-t-elle s’aventurer dans les difficiles voies de pénétration intérieure menant cahin-caha dans les villes et sections communales? Ces «chemins montants, sablonneux, malaisés, et de tous les côtés au soleil exposés», ne lui permettront pas d’avancer. Foi de Grand’Anselais, pour paraphraser Jean de La Fontaine.

Cinq ans auparavant, la caravane Martelly-Lamotte, baptisée «Gouvennman an Lakay», parvenue à sa huitième station dans les Nippes – anciennement Grand’Anse -, parlait d’infrastructures routières et de tant d’autres projets de développement pour le Grand-Sud. Les questions qu’on est en droit de se poser aujourd’hui sont les suivantes : où sont passées les compagnies OAS et Estrella qui réalisent pourtant de beaux travaux d’infrastructure routière dans d’autres pays de la Caraïbe et ailleurs? Par quels secrets ressorts les fonds alloués pour la route nationale no. 7, menant à Jérémie, ont-ils été volatilisés ? Par où va passer la caravane Moise-Lafontant pour atteindre La Grand’Anse?

Longtemps avant la caravane Martelly-Lamothe, il y eut celle du Groupe des 184, qui prônait un «nouveau contrat social» pour, selon son chef, André Apaid, «réduire cette misère inacceptable, sans forcément culpabiliser ni accuser les classes possédantes, qui doivent, elles, oeuvrer au développement du pays». C’était le temps où ce groupe d’hommes d’affaires, – qu’avaient rejoint d’autres secteurs dits de la «société civile»-, parlaient de «réduire les exclusions». Ils parcouraient différentes villes du pays et de l’étranger (particulièrement celles formant notre diaspora), pour prêcher l’évangile d’une «plate-forme essentiellement nationale».

En remontant davantage, on verra que le tandem Manigat-Célestin avait choisi plutôt de s’asseoir au lieu de marcher. Ce fut «Ti Koze anba tonnèl» où se discutaient de choses concernant la vie nationale. C’est là que se posaient sérieusement les questions du Genre et de la Culture, malheureusement traités ces jours-ci en parents pauvres.

Aujourd’hui, quand on entend parler de modernisation du secteur agricole, de bassins versants, de canaux d’irrigation, ainsi que d’autres chantiers sectoriels liés au développement du pays, on serait prêt à applaudir des deux mains, comme au temps des discours pompeux, faits de mots confectionnés sur mesure, pour épater les galeries nationales et internationales. Le petit peuple qui n’y comprenait rien, n'attendait que le moment du «piyay» pour se ruer sur les maigres gourdes envoyées ça et là, par des «mains généreuses», pour la gloire de Monsieur le Président. Il y en a qui se faisaient écrabouiller par la soldatesque bleue, faute de pouvoir –noblesse oblige – se fondre également sur le macadam en quête de ces périodiques mannes provenant du palais national.

D’ici à 2022, la caravane Moise-Lafontant sera de retour. Ses conducteurs, pourront-ils se frapper la poitrine et dire :«Les chiens aboyaient, mais la caravane passait»?

Mérès M. Weche

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